La désinformation sur les
enjeux
Les attaques
contre Huawei n'ont rien à voir
avec l'état de droit
- Louis Lang -
Les attaques contre Huawei et des dirigeants de
l'entreprise surviennent dans un contexte de concurrence
féroce
entre les
monopoles
dans le secteur des communications de haute technologie. Invoquer
l'état de droit pour justifier l'arrestation par le Canada
d'une
directrice de Huawei sonne faux lorsque l'on voit la campagne
internationale menée par les
États-Unis pour discréditer et
saper Huawei qui comprend notamment des menaces politiques et
militaires au niveau international pour intimider des pays et les
empêcher d'intégrer les technologies de Huawei
à
leurs réseaux 5G.
Le plus récent exemple de cette vaste
campagne
des États-Unis a eu
lieu lors du récent salon international du secteur de la
téléphonie
mobile qui s'est tenu la dernière semaine de
février
à Barcelone, en
Espagne. Le MWC Barcelona est un salon de quatre jours de
l'industrie
de la téléphonie mobile et des innovations qui
reçoit plus de 100 000
visiteurs.
Le gouvernement américain a envoyé
une
importante délégation à
Barcelone pour avertir les responsables internationaux des
télécommunications de ne pas faire confiance
à
Huawei. Dans un
reportage intitulé « La bataille entre les
États-Unis et la Chine à
propos de Huawei culmine au salon de la technologie »
publié sur le
site Web de CTV
News, un des participants au salon exprime ses
préoccupations
comme
suit :
« Les tensions géopolitiques entre
les
États-Unis et la Chine
seront sans aucun doute un sujet brûlant au salon MWC, en
particulier
dans le contexte de Huawei », a déclaré Shaun
Collins, chef de
direction de l'entreprise de recherche CCS Insight. « Il ne
fait
aucun
doute que les opérateurs du monde entier craignent les
effets
néfastes
que des
sanctions draconiennes pourraient avoir sur leur capacité
à
utiliser
l'infrastructure 5G de Huawei dans leurs plans de
déploiement de
la
technologie 5G. »
Toujours selon ce reportage, les
représentants
américains ont
déployé beaucoup d'efforts en coulisses pour
suggérer qu'Ericsson
(Suède) et le groupe finlandais Nokia devraient être
les
fournisseurs
privilégiés d'équipements 5G.
Huawei était également très
présent à Barcelone et a fait la
promotion de ses équipements en attirant l'attention sur
ses
réseaux 5G
moins onéreux avec la promesse de « vitesses de
téléchargement
extrêmement rapides et de réduction de
décalage du
signal -
des avancées
qui contribueront au développement de voitures autonomes,
de
robots
d'usine
et de la chirurgie à distance. »[1]
Il est clair que cette activité
belliqueuse des
États-Unis devient
de plus en plus agressive et s'ingère dans le droit des
pays de
décider
eux-mêmes, selon leur propre situation, du type de
système
de
télécommunications qui sert le mieux leurs besoins.
Les
États-Unis
justifient cette attaque flagrante contre Huawei en invoquant les
menaces à leur
sécurité nationale et accusent l'entreprise de
télécommunication de
permettre l'espionnage chinois dans le monde entier. C'est le cas
classique de celui qui voit la paille dans l'oeil de l'autre mais
pas
la poutre dans le sien.
C'est un fait que,
depuis la
fin de la Deuxième Guerre mondiale,
les États-Unis ont systématiquement
créé un
énorme réseau mondial
d'espionnage. La création d'un État de
sécurité nationale était devenue
une priorité du gouvernement Truman pour défendre
les
États-Unis contre
la « menace communiste » de l'URSS, qualifiée
à l'époque non
seulement de menace pour la sécurité nationale des
États-Unis, mais
également de menace pour « la civilisation
elle-même
».[2]
Le Conseil de sécurité nationale
(NSC) a
été créé en juillet 1947
dans le cadre d'une réorganisation générale
de
l'appareil de sécurité
nationale des États-Unis. Conformément au
National
Security Act de
1947, le rôle du NSC était de conseiller le
président sur l'intégration
des politiques nationales, étrangères et militaires
en
matière de
sécurité nationale et de faciliter la
coopération
interinstitutionnelle.
En plus de la création de systèmes
et
d'organisations d'espionnage
international (la CIA), l'Agence nationale de la
sécurité
(NSA) a été
créée en 1952 pour assurer le renseignement
d'origine
électromagnétique
(ROEM) et la sécurité pour les opérations de
réseau informatique (CNO),
qui est maintenant connue sous le nom de
cybersécurité.
À l'époque, le président
Truman a
nié que cela impliquerait de
l'espionnage et des opérations secrètes pour
soutenir des
objectifs de
politique étrangère, mais les États-Unis ont
multiplié ce genre
d'activités. En fait, une des premières actions du
NSC a
été
d'autoriser l'ingérence secrète dans les
élections
italiennes en avril
1948.
L'institutionnalisation officielle des
opérations secrètes a été
établie dans le Rapport no 4 et le Rapport no 10/2 du
Conseil de
sécurité nationale, respectivement de
décembre
1947 et de juin 1948.
L'État de la sécurité
nationale,
qui compte depuis au moins 17
organismes différents, a été à
l'origine
d'innombrables activités
criminelles, dont des actes de terrorisme d'État pour
imposer
les
intérêts des impérialistes américains
à travers le monde.
Bien que les activités d'espionnage
menées par les forces de
sécurité des États-Unis contre ses propres
citoyens et contre les
peuples qui luttent contre le colonialisme et
l'impérialisme
dans le
monde aient été exposées à de
nombreuses
reprises, l'étendue des
activités d'espionnage américaines a
été
pleinement révélée en 2013 par
Edward
Snowden.
Edward Snowden, un ancien employé de la
CIA et
ancien consultant du
gouvernement américain, a copié et divulgué
des
millions
d'informations hautement classifiées de l'Agence nationale
de la
sécurité. Les documents ont
révélé
non seulement les activités de la
NSA, mais aussi celles du Groupe des cinq yeux - les
États-Unis,
le
Canada,
le
Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande - et ont
fait la
lumière
sur les vastes programmes secrets de surveillance de masse et de
leurs
capacités.
Bon nombre des documents publiés
initialement
par Edward Snowden et
qui ont fait l'objet de reportages dans les médias grand
public
contenaient des détails sur l'unité «
Opération d'une source spéciale »
(SS0, Special Source Operation, un département de la NSA).
En
particulier, dans le cadre du programme PRISM, les fournisseurs
de
services - y compris Google, Apple, Microsoft, Facebook, YouTube,
Paltalk, AOL et Yahoo - ont permis à la NSA de recueillir
des
données
de communications à des fins d'analyse. La SSO a
également mis en place
des programmes de surveillance des réseaux de fibres
optiques
partout
dans le monde - au moins une partie de l'accès aux
réseaux de fibres optiques est obtenue grâce
à la
coopération de
l'industrie. D'autres opérations ont été
réalisées à l'insu des
entreprises concernées.
Une autre
catégorie
de documents révèle les opérations de la NSA
de
surveillance des téléphones intelligents et des
habitudes
d'appel. Les
données de localisation permettent à l'agence de
détecter des relations
auparavant inconnues entre des personnes utilisant son
système
CO-TRAVELLER. Les témoins (cookies) et les données
des
applications
mobiles
sont ciblés par plusieurs outils de la NSA. Les messages
texte
sont
également recueillis régulièrement
[3].
Les affirmations des États-Unis selon
lesquelles
Huawei est une
menace à la sécurité nationale ne visent pas
seulement à favoriser les
intérêts privés des oligopoles de
télécommunications qui sont
désavantagés dans la concurrence avec la
technologie
Huawei mais, tout
aussi important sinon plus, elles ont comme objectif de
protéger
leur
réseau
de cyberespionnage et de maintenir la domination
américaine de
la
surveillance et de l'espionnage dans le monde entier.
Depuis des années, les États-Unis,
avec
leurs partenaires du Groupe
des cinq yeux, dont le Canada et le Centre de la
sécurité
des
télécommunications (CST), s'emploient
systématiquement depuis des
années à détruire Huawei. Un article paru
récemment dans le Sydney Morning Herald
d'Australie mentionne qu'en juillet 2018 une rencontre
des dirigeants des services d'espionnage du Groupe des cinq a eu
lieu
en Nouvelle-Écosse. Le premier ministre Trudeau a
également assisté à
une partie de la réunion. L'article est intitulé :
« Comment les Cinq
yeux ont préparé la campagne pour tuer Huawei
». Au
Canada, aucun
reportage sur cette rencontre n'a été
publié.
Selon cet article, « Dans les mois qui ont
suivi
ce dîner du 17
juillet, une campagne sans précédent a
été
menée par les participants
- l'Australie, les États-Unis, le Canada, la
Nouvelle-Zélande et le
Royaume-Uni - pour empêcher le géant chinois de la
technologie Huawei
de fournir des équipements pour leur prochaine
génération de réseaux
sans fil. »[4]
Depuis la rencontre en Nouvelle-Écosse,
plusieurs responsables du
renseignement ont fait des discours publics dans le cadre de cet
effort
coordonné pour interdire Huawei des réseaux 5G.
L'article
souligne que
« Mike Burgess a remis Huawei à l'ordre du jour
national
quand, le 29
octobre, il est devenu le premier directeur général
du
Australian Signals Directorate à faire un discours public
depuis la
création de l'agence il y a en 70 ans. »
Les activités coordonnées des pays
du
Groupe des cinq montrent
clairement que l'arrestation de Meng Wanzhou, la directrice
financière
de Huawei, n'avait pas grand chose à voir avec «
l'état de droit au
Canada », mais bien plus avec la poursuite des attaques
contre
Huawei.
1. « U.S.-China Battle Over Huawei comes to
head
at tech show », Kelvin Chan, CTV News, 25 février
2019
2. « NSC 68 : United States Objective and
Programs
for National Security », 14 avril 1950
3. « NSA Prism Program Taps in to User Data
of
Apple Google and Others », Glenn Greenwald et Ewen
Macaskill, Guardian,
7
juin
2013
4. « How the Five Eyes Cooked up the
campaign to
Kill Huawei », Chris Uhlmann et Angus Grigg, Sydney Morning Herald, 17
décembre 2018
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 10 - 16 mars 2019
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enjeux: Les attaques
contre Huawei n'ont rien à voir
avec l'état de droit - Louis Lang
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